Trésors Retrouvés – Episode #2 : La Bonté de Jacques V

Trésors Retrouvés – Episode #2 : La Bonté de Jacques V

septembre 5, 2025 1 Par Nicolas Ravain

En dehors d’Adrienne Lecouvreur, le film (jusqu’alors) considéré comme perdu avec Sarah Bernhardt dont vous pouvez voir un extrait ici, le lot de bobines 35mm nitrate de Calais recèle bien d’autres trésors.

Parmi ceux-ci : deux films muets en couleurs.

Non pas teintés, ni virés, mais bien en couleurs.

deux photogrammes de films en Pathécolor

Ou, plus précisément, colorisés selon le procédé Pathécolor, procédé mis au point en 1903 par le réalisateur Segundo de Chomon pour la firme Pathé qui permet la colorisation de la pellicule grâce à un système de pochoirs obtenus par découpage grâce à un pantographe.

Un pantographe

un pantographe

Les deux films ne comportant aucun intertitres, il faut à présent réussir à les identifier sans aucun indices sur les noms des personnages, les lieux de l’action ou l’intrigue.

Commençons par celui qui a l’air d’être un film en costume. Il y a des kilts. Un château. Un trône. Un roi.

La première suspicion se fixe sur Les jacobites, un film réalisé en 1912 et prenant place durant les soulèvements s’étant déroulés dans les îles Britanniques entre 1688 et 1746.

Sauf que… Les jacobites n’est pas un film produit par la firme Pathé mais par Le Film d’Art, et la copie que nous avons entre les mains nous indique clairement une chose : PATHÉ FRÈRES 14 RUE FAVART PARIS, écrit en lettres capitales sur les bords de la pellicule.

photo de la pellicule 35mm nitrate

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Un autre titre tombe : il s’agirait plutôt de La Bonté de Jacques V, produit par la firme Pathé en 1911. Avec ce titre en poche, les recherches peuvent se préciser.

Je ne trouve que très peu de documents en ligne à propos de ce film. A peine une annonce dans un journal.

annonce du film La bonté de Jacques V dans un journal d'époque

Mais trois documents disponibles vont se révéler parfaitement essentiels pour l’identification.

Et les preuves de tomber.

D’abord, un résumé dactylographié en 1911 sur un document Pathé qui semble correspondre aux images :

résumé du film de 1911

« Une poétique idylle se déroule entre Maxwell et Dora, deux jeunes paysans d’Écosse. Par malheur, Maxwell vient à tomber au pouvoir des outlaws qui, sous menace de mort, demandent 20 000 francs de rançon pour leur prisonnier. Dora, désespérée, forme le projet de se rendre auprès du roi Jacques V et de lui demander aide et pro­tection. Cependant, le monarque, craignant d’être dupe, se travestit en mendiant pour éprouver le cœur de la jeune fille et va lui demander l’aumône. L’épreuve réussit en faveur de Dora et, sûr désormais du mérite de ses pro­tégés, le bon roi après avoir payé la rançon du captif, unit les deux fiancés. »

Ensuite, ce résumé est accompagné d’images au verso, visiblement issues d’un paper print, ces copies de film 35mm tirées image par image sur papier photographique, déposée aux États-Unis entre 1894 et 1912 auprès de la Library of Congress pour des raisons de copyright.

paper print de la Bonté de Jacques V

À gauche, la copie paper print, à droite la copie 35mm nitrate

Voilà, le doute n’est plus possible.

Il s’agit donc bel et bien de La bonté de Jacques V, un film lui aussi considéré (jusqu’alors) comme perdu, étant donné qu’aucune archive au monde n’en recense une copie dans ses collections !

Sur le site de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, le film ne comporte aucun crédit, ni pour la mise en scène (contrairement à Wikipédia et IMDb qui en attribuent la réalisation à Georges Denola – selon quelles sources ?), ni pour le casting. Mais on y apprend que le film mesurait 235 mètres, dont 201 mètres en couleurs.

Qu’en est-il donc de cette « copie de Calais » ?

Après l’avoir scannée et importée dans le logiciel de montage, celle-ci dure 6 minutes et 23 secondes à la cadence de 18i/s, soit environ 130 mètres. Nous avons donc là un peu plus de la moitié du métrage total du film et, la copie étant entièrement colorisée, environ 65 % des 201 mètres en couleurs.

Enfin, le « scénario » disponible sur le Web (!) nous donne de nombreux autres éléments de documentation de cette copie : celui-ci est divisé en 14 tableaux et indique également la présence d’intertitres.

extrait du scénario original du film

Notre copie ne comporte aucun intertitre et les séquences correspondent aux 8 premiers tableaux ainsi que le dernier. TOUTES les perforations sont en bon état, et les seuls collages présents sont ceux qui relient les différentes séquences.

On peut donc raisonnablement penser que cette copie n’a jamais été projetée, ou alors très peu, et qu’elle était destinée à être montée avec les intertitres et le reste du film non-colorisé.

En bref : une copie de 115 ans dans un état quasi neuf !

photogrammes de la copie 35mm du film

Trêve de blabla.

Place aux images !

Rendez-vous sur ma chaîne YouTube pour (re)découvrir La bonté de Jacques V dans un glorieux Pathécolor !